John Muir, un scientifique vagabond

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Né au milieu du XIXème siècle, alpiniste chevronné, scientifique atypique, poète et philosophe, John Muir est considéré comme l’un des pères de l’idée écologique aux États-Unis. Naturaliste engagé pour la préservation de la nature sauvage, John Muir, qui a créé le Sierra Club, l’une des premières ONG environnementales, a milité toute sa vie pour les parcs nationaux. Né le 21 avril 1838 à Dunbar, en Écosse, John Muir émigre avec sa famille aux États-Unis à l’âge de 11 ans. Les Muir s’installent dans une ferme près de Portage, dans le Wisconsin - un état du Midwest américain au bord du Lac Michigan -. Le père de John Muir, qui est très pieux et très strict, fait travailler durement ses 8 enfants aux travaux des champs, mais le jeune garçon passe son peu de temps libre à vagabonder dans les bois et devient un observateur amoureux de la nature.En 1860, John Muir entre à l’Université du Wisconsin à Madison, mais préférant « l’université de la vie sauvage », il quitte le cursus au bout de trois ans pour voyager dans le nord des États-Unis et au Canada, travaillant comme technicien au fil de ses pérégrinations. En 1867, alors qu’il est ingénieur industriel à Indianapolis, John Muir subit un accident du travail qui le prive de la vue pendant quelques semaines.Cet épisode est décisif et à 29 ans, le jeune homme décide de tourner définitivement son regard vers la nature. Il quitte alors Indianapolis pour une marche de 1500 kilomètres jusqu’en Floride, dormant dehors et buvant dans des flaques. Mais foudroyé par la malaria, il interrompt son voyage et rejoint la Californie en 1868. Fasciné par les montagnes de la Sierra Nevada et la vallée de Yosemite, John Muir s’y installe.Ses voyages l’emmèneront plus tard du Japon, en Europe et en Chine, mais il reviendra toujours à la Sierra Nevada, désormais son port d’attache.Un scientifique face à l’appel de la natureLa nature attire irrésistiblement John Muir mais la science occupe une place importante dans sa vie et il la pratique sur le terrain, à l’occasion d’expéditions au long cours en Alaska et en vagabondant dans la Sierra Nevada : « Chaque rocher, chaque montagne chaque rivière (…) chaque animal, chaque insecte paraît nous inviter à venir apprendre un peu de son histoire et des rapports qu’il entretient avec les autres », écrira-t-il dans Un été dans la Sierra.Héritier à la fois du mouvement transcendentaliste américain et du romantisme pour le lyrisme, et des Lumières pour la science, John Muir est un écrivain aux connaissances scientifiques éclectiques. Jean Daniel Collomb, professeur de civilisation américaine à l’Université Grenoble-Alpes, le décrit : « Il se distingue en botanique, en glaciologie, il s’est impliqué dans des controverses scientifiques dans la 2ème moitié du 19ème siècle (…) mais c’est aussi un poète (…) il est à la fois un vagabond, écologiste, et un penseur des relations entre l’espèce humaine et le reste du vivant ».Car si John Muir n’utilise pas les termes d’écosystème ni d’écologie – mot inventé en 1866 - il comprend que chacun ayant un rôle dans l’écosystème - même les prédateurs et les feux de forêts – et qu’il faut envisager la nature comme un tout.Moutons contre Nature, préserver ou conserverEngagé comme berger pour la transhumance des troupeaux dans la Sierra Nevada, John Muir réalise que les moutons qui ravagent les prairies - qu’il traite de « hoofed locusts » ou « sauterelles à sabots », car là où ils passent, rien ne repousse – constituent la principale menace pour la Sierra. Il écrit alors de nombreux articles, remarqués par le directeur du magazine Century, Robert Underwood, qui lui offre de les publier.L’activisme de Muir convainc le président Theodore Roosevelt, et la création du parc national de Yosemite est actée par le Congrès américain en 1890, et dans la foulée, John Muir crée en 1892 l’une des premières ONG environnementales, qui est toujours en activité : le Sierra Club.Au tournant du XXème siècle, John Muir, qui est contre la marchandisation de la nature, défend sa préservation hors influence humaine. Cette conception s’oppose à celle de Gifford Pinchot, le chef du Service des Forêts des États-Unis de 1905 à 1910, qui envisage la conservation comme moyen de gestion des ressources naturelles, et les deux hommes qui se sont d’abord liés d’amitié, s’affrontent.Le débat entre préservation et conservation culmine au moment de l’Affaire du barrage de la vallée de Hetch Hetchy, dans le Parc national de Yosemite, destiné à alimenter en électricité la ville de San Francisco. John Muir tente de s’y opposer mais en décembre 1913, le décret de construction est signé par le président Woodrow Wilson, successeur de Theodore Roosevelt.John Muir décède un an plus tard à l’hôpital de Los Angeles.Vers une écologie radicale« Les deux grands héritages de John Muir sont, d’une part, la défense des parcs naturels comme pilier de la société et de la culture américaine - la nature comme ensemble de paysage magnifiques qu’on observe pour se ressourcer - et d’autre part, la trace idéologique que l’on retrouve plus tard dans l’écologie radicale », affirme Jean-Daniel Collomb.Car la vision qu’a John Muir de la nature se démarque de la culture anthropocentriste dominante du XIXème siècle, une culture qui place l’humain au centre de son système de valeur. Dans ses carnets de voyages, publiés en 1916, il livre son message le plus radical, en remettant en cause la séparation entre humains et non-humain, et il insiste sur les interdépendances des espèces au sein d’un environnement.Cette philosophie sera reprise dans les années 30 et 40 par un autre penseur de l’écologie, l’américain Aldo Leopold, puis par les « écologistes profonds », dans la lignée du philosophe norvégien Arne Naess.« Ma foi, je n’ai pas grande sympathie pour l’égoïsme distinctif de l’homme civilisé ; si une guerre des races éclatait entre les bêtes sauvages et Monseigneur l’Homme, j’aurais plutôt tendance à prendre parti pour les ours », écrivait John Muir dans Quinze cents kilomètres à pied à travers l’Amérique profonde, en 1869.► En savoir plus :- John Muir, Our National Park, Sierra Club Books, 1901 (en anglais)- John Muir, Quinze cents kilomètres à pied à travers l’Amérique profonde, 1867-1869, Corti, Paris 2006- John Muir, Un été dans la Sierra, 1869, éditions Hoebeke, Paris, 1997- Jean Daniel Collomb, John Muir, écologie et parcs nationaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2013- Carte du Parc national de Yosemite- Biographie de John Muir, sur le site de l'ONG Sierra Club

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