Export d'armes françaises: l'impasse africaine

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La France en 2023 s'est hissée à la deuxième place des pays exportateurs d'armes dans le monde, nous en parlions dans Lignes de défense la semaine dernière... Mais derrière ce succès il y a un trou dans la raquette, et cette faille, c'est le continent africain. Paris exporte ses armes partout, mais quasiment pas en Afrique alors que l'armée française y est présente, un paradoxe. Décryptage. Quelques chiffres pour illustrer ce vide. Dans les autorisations d'export délivrées en 2022,  76 % sont à destination de l'Europe, 12 % vers le Moyen-Orient, 6 % l'Amérique du Nord, 3 % l'Afrique du Nord, 2 % l'Amérique du Sud, 1 % en Asie... Dans ce camembert, l'Afrique subsaharienne n'apparait pas. Sur une décennie, de 2013 à 2022, l'Afrique subsaharienne n'a représenté qu'1,5 % de l'exportation d'équipements militaires français. C'est marginal, quelles en sont les raisons ?  À l'occasion d'une conférence de presse, nous avons posé la question il y a quelques jours à Sébastien Lecornu, ministre des Armées : « C'est une très bonne question qui tient beaucoup à notre logiciel, pour être complètement transparent. Déjà, la présence militaire française a plutôt acculturé ce ministère et aussi le partenaire qui pouvait nous accueillir. Une logique de 'on fait à la place de'. Quand j'ai demandé à Emmanuel Chiva, le délégué général pour l'Armement de se rendre en Afrique, nous sommes aperçus que jamais un DGA français n'avait mis les pieds officiellement en Afrique. Tout est dit. On a laissé un terrain trop important à un certain nombre de concurrents. D'ailleurs, c'est le ministre Ouattara, en Côte d'Ivoire, qui m'a fait prendre conscience de cela. Ils ont des budgets, le Sénégal pareil qui est un pays qui va en plus être un pays producteur d'hydrocarbures, qui va donc devoir se protéger de menaces terroristes particulières, singulièrement en mer. Mais on voit bien qu'on a une modification des armées africaines. Ce sont souvent des armées françaises qui participent à cette montée en puissance. Mais restait justement le bloc capacitaire. Et on le voit sur les drones par exemple, on le voit sur les petits bateaux, on le voit aussi peut-être demain sur des petits aéronefs sur lesquels on a évidemment des coups à jouer. »Une arme sur deux sur le continent africain est une arme russeLes Russes et les Chinois sont présents depuis longtemps, mais depuis quelques années de nouveaux compétiteurs se positionnent sur ce marché.Les Turcs par exemple sont les nouveaux entrants en Afrique, avec une vraie stratégie d'implantation... Turkish Airlines a ouvert ces trois dernières années plus de soixante escales sur le continent, une dynamique qui profite à son industrie de défense. Peer de Jong, vice-président de Themiis (société de conseil en stratégie et défense), conseille plusieurs gouvernements sur les questions de sécurité ; il a vu les Turcs proposer, via des sociétés militaires privées, des offres séduisantes all inclusive, « Par le truchement de structures, comme SADAT, qui sont des SMP turcs qui depuis une dizaine d'années ont un peu le même 'business modèle' entre guillemets que Wagner, c'est-à-dire proposant à la fois la formation des troupes, la cession et la vente de matériels. Et on voit en Afrique aujourd'hui, qu'il y a une diffusion d'un armement turc de qualité, qui concerne principalement tout ce qui est transport de troupes, armement individuel, mais aussi les drones. Donc les armées africaines arrivent à s'équiper à un coût relativement abordable sur des matériels qui théoriquement sont inaccessibles en Europe. »Les armées africaines se modernisent à grand pas, exemple avec le drone TB2 Bayraktar, star de la guerre en Ukraine dont une dizaine de pays africains a déjà passé commande au constructeur turc. Un marché en pleine expansion et qui pour l'heure échappe aux fabricants français.

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